Sally Bilaly Sow

Guinée : la note m’importe peu

« L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde. » (Nelson Mandela)

Après lecture et étude minutieuse de cette citation, voyant présentement la situation de nos institutions d’enseignement supérieur en Guinée, je me pose un tas de questions : Comment pouvons-nous étudier pour changer ce monde ? Quel sera l’objectif principal de l’étudiant ? Devons-nous privilégier les notes ?

Je ne fais pas de critique amère mais j’ai envie de peindre une situation troublante, accablante et aux conséquences désastreuses. Même Toto, mon partenaire de toujours, sait qu’il faut aller à l’université pour étudier, apprendre au lieu de se livrer à la chasse aux notes.

C’est écœurant , dépassant et dégoûtant de voir que certains amis étudiants de la République entière (de Youmou à Labé en passant par la capitale) considèrent plus les notes que l’acquisition du savoir. Quelle erreur… Quel manque d’objectivité…

La principale mission d’un étudiant est d’aller à l’assaut du savoir, du savoir-faire, de cette envie de pouvoir démontrer un théorème en l’absence d’un professeur, d’avoir un esprit créatif, de faire travailler son esprit pas pour les évaluations (comme nous le faisons) mais pour pouvoir se promener partout avec son savoir, user de ses compétences pour changer les mauvaises langues… et demain être capable de faire la synthèse de ce qu’on aurait appris.

Chers amis , vous comprendrez comme moi , le jour d’un entretien d’embauche que nos notes ne serviront qu’à une infime vérification : la victoire ne viendra que de nos têtes.

Je suis celui qui pense que la méthodologie d’enseignement supérieur doit connaître un toilettage pour que nous, les produits, soyons dans le bon circuit d’attente. J’avertis mes amis qui se vanteront avec des moyennes pompeuses que le lendemain ne sera point un jeu de notes. Plutôt un jeu de tests.


La blogosphère guinéenne se cristallise

Crédit Photo : ABLOGUI
Crédit Photo : ABLOGUI

À quatre mois seulement de la présidentielle , la blogosphère guinéenne se reconstitue et se solidarise. Le mois dernier, l’association des blogueurs de Guinée (Ablogui) a organisé son deuxième blogcamp à la Bluezone de Kaloum. Fraîchement venu de Labé (à 440 kilomètres de Conakry), j’étais l’ambassadeur de l’intérieur du pays à cette importante rencontre.

La cérémonie inoubliable a débuté par une plénière (à lire ici 1, 2,3 et 4) au cours de laquelle les d’invités se sont exprimés. Des politiques invités à un événement sans qu’ils ne pipent un mot de leur jargon.

La plénière s’achève par une pause-café et après nous voici repartis dans deux salles. L’une accueille les anciens bloqueurs blogueurs et l’autre les nouveaux au nombre d’une vingtaine que Kouyaté et moi avions la tâche de former.

L’objectif principal était : de les former à la création d’un blog sous WordPress, la gestion, le partage de contenu, le paramétrage du blog, la création et l’animation d’un compte Twitter. Des astuces qui n’étaient pas au programme ont été ajoutées.

Après la valse de présentations des nouveaux Netizens, Fodé Kouyaté (président par intérim d’Ablogui) a expliqué la différence entre blogueur et journaliste. Ce que s’est un web-activiste. Grâce à des brèves explications, ils ont vite compris ce qui les attend dans le futur. Aussitôt, l’honneur m’est revenu de tenir la formation sous www.wordpress.com en pratique.
Avant d’entamer les travaux, les autres plateformes existantes leur avaient été montrées. Le choix pour Ablogui de WordPress n’est pas fortuit. Même si, elle diffère de celle de Mondoblog dans certaines fonctionnalités, le souhait le plus ardent est que tout le monde soit admis au prochain concours.

Au cours de la formation, j’ai constaté que certains maniaient très bien l’outil informatique contrairement à d’autres. Au fur et à mesure qu’on avançait je me sentais réconforter car ils osaient toucher de façon attendue l’ordinateur. Chacun créait son blog, choisissait un thème, créait son menu et le personnalisait à sa guise. En les observant, j’ai su que chacun pourrait créer dorénavant un blog, publier un article, choisir une Template.

A la fin de la deuxième et grande pause, nous voici à nouveau dans la salle pour continuer la formation. Les nouveaux blogueurs et blogueuses ont compris l’immense tâche qui les attend dans les jours, mois voire années à venir. Au cours de la deuxième tranche de la formation, Kouyaté les a fait comprendre la différence entre un hashtag et un tweet. Ils seront également en mesure de pouvoir utiliser les acquis en toute circonstance, nous ont-ils promus à la fin.

J’ai tiré une petite conclusion à la fin de ce #blogcamp224 : les élections à venir seront cent pour cent 2.0, car, quand les #blogcamp prévus à Kindia, Labé, Kankan et N’zérékoré s’ajouteront à celle organisée le 23 mai 2015, je parie que la transparence dans les urnes sera inéluctable.


À Dar es salam, c’est la période des mangues

Sally Bilaly Sow , avec la gaule en mains, photo : Mamadou Kaba
Sally Bilaly Sow , avec la gaule en mains, photo : Mamadou Kaba

Dar es salam est un district de la sous-préfecture de Kalan, situé à une vingtaine de kilomètres du chef-lieu de la préfecture de Labé. Le week-end dernier, mon ami Mamadou Kaba Baldé et moi avons décidé de nous y rendre pour saluer les parents.

Sur la pendule centrale de ma chambre, il était 10 heures pile. Avant de bouger, on a fait un tour au marché central de Labé pour acheter des condiments destinés à ma grand-mère, Nenan Adama Djouldé.

Une fois les achats terminés nous empruntons la moto qui est le moyen de déplacement par excellence. L’état de la route est similaire aux autres routes du pays. Loin d’être satisfaisant…

Un champ defriché à Kata , photo : Sally Bilaly Sow
Un champ défriché à Kata , photo : Sally Bilaly Sow

Sur le chemin, on apercevait des paysans avec des machettes à la main coupant des arbres  dans les localités de Noussy et Kata. Après plus d’une heure de route, nous voici sous les montagnes de Dar es salam,

Nous stationnons la moto sous un baobab avant de franchir le danbo hoggo  [le point de passage]. D’un côté de l’habitation, des orangers et des avocatiers occupent la bordure de la passerelle et de l’autre côté les manguiers surplombent la maison de Nenan Mariama Djouldé.

A 72 ans, elle est très active, toujours en balade. Elle se rend souvent aux cérémonies organisées dans la bourgade. Exceptionnellement, ce jour-là nous la voyons sur le pas de la porte. Dès qu’elle m’aperçoit, elle se met à crier :«  Wééé Sally arri » (traduction : Sally est venu, en pulaar) et nous invite à entrer dans sa maison pour goutter la bouillie.

Saison de mangues oblige, l’entretien fut bref. Avant de commencer à « saluer » les mangues,sans oublier l’existence d’Ebola [bien que progressivement en baisse] nous avons trouvé un seau rempli d’eau pour le lavage des mains et des mangues.

Un sceau d'eaux devant moi , Photo : Mamadou Kaba
Un seau d’eau devant Sally Bilaly Sow, photo : Mamadou Kaba

L’opération débuta par le manguier non loin de la véranda où était assis le petit Moussa. le gamin nous fixait à chaque fois qu’une mangue tombait. Mais la gaule n’a pu nous permettre d’amasser une importante quantité de fruits.

Le petit  Moussa assis sur la véranda de Nenan Adama Diouldé, Photo : Sally Bilaly Sow
Le petit Moussa assis sur la véranda de Nenan Adama Diouldé, Photo : Sally Bilaly Sow

Pour nous faciliter la tâche, mon oncle nous donna un sacré coup de main. Les fruits tombaient les uns après les autres. Trente minutes plus tard, on n’avait toujours pas obtenu une quantité convaincante à nos yeux.

On décida alors  de retourner au premier manguier. Cette fois, je décidai de grimper sur l’arbre. Mais une grande frayeur me traversa la tête quand ma grand-mère évoqua la terrible chute de mon grand-père tombé, justement de cet arbre.

Une fois au sommet, mon ami me donna kewal [la gaule] pour abattre les mangues mûres. Il fallait être de la partie pour voir le nombre de mangues qui tombaient. Satisfaction totale.

Thierno en train de ramasser les mangues,photo : Sally Bilaly Sow
Thierno en train de ramasser les mangues,photo : Sally Bilaly Sow

Je descends et j’aide mon ami Kaba et Thierno à mettre les mangues dans un sac que  ma grand-mère nous a prêté. Très contente de notre visite, elle nous bénit. Vers 13 heures 40 nous prenons congé.

Kaba
Mamadou Kaba attache notre sac à mangues, photo : Sally Bilaly Sow

Sur le trajet du retour on discute longuement du sort qu’on devrait infliger aux mangues. Chacun de nous fait des propositions, et finalement nous sommes tombés d’accord sur le « mangué sauce » [les cuire et les préparer en sauce].

Sally Bilaly Sow réfléchi sur le sort des mangues. Photo : Thierno Diallo
Sally Bilaly Sow réfléchi sur le sort des mangues. Photo : Thierno Diallo

Arrivés à la maison, nous les donnons à ma sœur Mamadou Hawa pour les préparer, car des amis viendront le soir dîner.

A 20 heures, ensemble nous dégustons  le meilleur plat guinéen du moment… aux mangues, bien sûr!

Mangué Sauce ,le plat guinéen du moment , photo : Sally Bilaly Sow
Mangué Sauce ,le plat guinéen du moment , photo : Sally Bilaly Sow

 


Mouctar Bah, la voix de RFI qui dérange le pouvoir de Conakry

Pétition publique destinée au Président, un activiste cherche des journalistes  pour la signer à Labé .Crédit Photo : Sally Bilaly Sow
Pétition publique destinée au Président Alpha Condé, un activiste cherche des journalistes pour la signer à Labé .Crédit Photo : Sally Bilaly Sow

Depuis  plusieurs mois, les autorités guinéennes par la voix de Mme Martine Condé, la présidente du CNC (conseil national de la communication), refusent le renouvellement de  l’accréditation de Mouctar Bah, le correspondant ‘’historique’’ de RFI (radio France internationale) en Guinée. 

Pour le soutenir, des journalistes – conscients du danger qui guette la liberté d’expression – ont constitué un comité de soutien au journaliste. Ils ont mis en ligne cette pétition que je vous demande humblement  de signer au passage.

Pourquoi Alpha Condé a la rage contre Mouctar Bah ?

Je crois que le Président de la République est « Charlie » [en tout cas c’est ce qu’il a laissé entendre suite aux attentats contre « Charlie Hebdo »] ; paradoxalement son Excellence oublie qu’un autre Charlie est sur le banc des accusés de son propre pays. Oui, j’ai entendu à l’époque, que notre actuel président fut un des rédacteurs de Charlie Hebdo,  une raison de plus à mes yeux que Mouctar doit exercer librement son travail.

Tout ce que je sais, c’est que le prophète Mohammad (paix et salut sur lui) à qui tous les musulmans se réclament, a dit dans un de ses récits authentiques que l’acte ne sera accepté que par ce qui a prévalu son accomplissement.  Donc Dieu voit d’abord le cœur avant l’acte. Je demande la justice de la justice.

Le CNC, une institution sous ordre du pouvoir ?

Je suis sidéré du silence coupable et candide  du CNC (conseil national de la communication) qui est l’organe censé régulariser les médias évoluant en  Guinée.

Je pensais que son rôle était de redonner confiance aux journalistes  exerçant  leur métier dans le respect de l’éthique et de la déontologie.

Je ne suis pas en train de faire un quelconque procès de qui que ce soit, ni de jeter des diatribes sur une institution « moribonde »,  non plus  de flinguer la Dame Martine Condé qui a montré ses limites.  Par contre, je suis là en train de dénoncer la mauvaise foi de mes gouvernants.

Une presse guinéenne désunie….

J’ai vu, certains journalistes ouvrir leurs bouches héler  avec des pancartes dans les rues de Conakry  avec à la tête  de la marche l’homme fort du pays, qu’ils étaient Charlie. Oui vous êtes Charlie, mais pas Mouctar Bah !

À vous les journalistes qui aviez marché  avec  le président de la République le mois dernier, pourquoi vous n’avez rien fait pour le faire revenir  à la raison ? Pourtant vous aviez dit vous battre pour la liberté d’expression…

Je sais  que dans un pays comme le nôtre  celui qui va refuser  de prostituer son métier au solde  des brebis galeux  est considéré comme un ennemi du pouvoir.

Makanera disait : « Nous allons mettre tous les journalistes indélicats au pas avant l’élection présidentielle de 2015

Le ministre  faquin  de la communication, Alhousseiny Makanera Kaké    avait promu  au mois d’août 2014 de mettre au pas tous les journalistes  indélicats (qui refuseraient certes de se plier  à la démagogie du pouvoir de Condé) avant la présidentielle . Me souvenant de ces propos, je peux comprendre pourquoi M. Bah est interdit de micro.

On sait que 2015 est une année électorale en Guinée comme dans plusieurs autres pays d’Afrique. De ce fait, le travail impartial des journalistes  permettra  aux uns et aux autres d’être informés à la minute, ce qui ne va pas forcément faire l’affaire de fraudeurs. Et si on parvient à mettre tous les journalistes au pas ou sous la coupe du pouvoir ?

Pourquoi Mouctar Bah doit être soutenu ?

Soutenir Mouctar Bah, c’est avant tout soutenir la liberté d’expression. Ne pas le soutenir, c’est aider à assassiner la liberté d’expression en Guinée. Aujourd’hui c’est M. Bah. Demain – si rien n’est fait – ça pourrait être toi, moi et tout le monde.

Rien ne justifie un tel acte que je colle directement au patron de Sekhoutoureyah (présidence de la République). Aucun texte de loi du pays ne le justifie non plus. Je sais que c’est une décision motivée par des intérêts politiques au détriment d’un guinéen comme eux, ils souhaitent voir un étranger à la place de leur compatriote. Quelle mauvaise humeur !

Pourtant Mouctar Bah a soutenu à l’époque  Alpha Condé au moment de son arrestation par le régime du feu général Lansana Conté.

#JeSuisMouctarBah, pour que vive la liberté de penser !

Sally Bilaly Sow

 

 


Avec son vélo, il lutte contre la pollution de l’environnement !

Crédit Photo : Oumar Barry 'Oumby" /Obs24
Crédit Photo : Oumar Barry ‘Oumby » /Obs24

Je m’appelle Amadou Sadio Keita. J’ai 28 ans et j’habite dans la périphérie de la commune urbaine de Labé.  Chez moi, il y a une manière de rendre le vélo très utile. Mon activité mérite un financement  colossal, mais la pauvreté en décide autrement comme on le dit souvent : « on s’en tient du peu qu’on a ».

J’ai mon vélo depuis plusieurs années. Mon activité principale consiste à faire le tour de la ville à la recherche de chaussures usées, qui doivent être recyclées. La ville de Labé [située à 450 kilomètres de Conakry] compte vingt-huit (28) quartiers et je les connais comme ma poche. Mon vélo et moi sommes connus de tous les enfants et tous les parents sur mon passage.

Je me lève très tôt le matin pour préparer mon vélo à la chasse aux chaussures usées. D’un côté du guidon, j’attache des bonbons mais aussi des billes, et de l’autre côté des chewing-gums. Au niveau de mon porte-bagage, modifié pour s’adapter à mes besoins,  je mets les sacs vides dans lequel j’introduis les chaussures usées que j’achète ou je troque pendant  la journée.

Je sors de mon quartier en klaxonnant. Ma façon de klaxonner et mon klaxon sont reconnaissables de loin. C’est ma façon d’informer les enfants ayant ramassé des chaussures, que je suis arrivé dans le coin.

Et dès qu’ils entendent mes coups de klaxon, ils sortent en courant et s’attroupent autour de moi. Parmi eux, il y en a qui proposent deux ou trois chaussures. Les uns réclament de l’argent en échange de leurs chaussures, pour les autres, ce sont les billes, les bonbons ou les chewing-gums qui les intéressent.

Dans un quartier par exemple, je peux rester au moins deux heures car je monte rarement sur le vélo.  Si je montais dessus, je risquerais peut-être de rater certains enfants.  Je parcours plusieurs quartiers périphériques le matin pour pouvoir me retrouver l’après-midi avec les enfants du centre-ville qui, eux aussi, m’attendent impatiemment. La poussière, le soleil  et le vent sont devenus mon quotidien.

Les difficultés sont énormes. Souvent, il arrive que des enfants prennent des chaussures encore en bon état de leurs parents pour me les vendre.  Peu avant la fin du deal, leurs parents viennent me dire que ces chaussures n’ont pas fini de faire le bonheur de ses propriétaires. Ainsi, je suis obligé de les retourner. Tant pis pour moi, si ça se trouve que mon ‘partenaire d’affaires’ a déjà bouffé les bonbons ou les chewing-gums que je lui ai remis. Néanmoins j’accepte, parce que ce sont là les aléas du boulot. Pour toute personne, le travail apporte son lot de difficultés.

Le soir, avant de rentrer à la maison, je pars chez mon réparateur de vélo pour un petit entretien. C’est à ce moment que j’ai du temps pour lui offrir une visite technique. S’il s’avère qu’il y a une anomalie, on la répare tout de suite. Car je n’ai même pas le temps les dimanches et ma vie dépend de ce travail qui ne pourrait se poursuivre sans l’aide de mon vélo chéri.

Lorsque j’ai une quantité qui mérite d’être vendue, je l’amène à vélo chez mes patrons, qui vont les acheter pour les envoyer à Conakry ou parfois en Côte d’Ivoire.

Avec eux, on pèse les chaussures usées pour déterminer la quantité et naturellement fixer un prix. Parfois, je peux gagner plus de 300 000 francs guinéens (plus ou moins 37  euros) par tranche. Ça dépend de la collecte sur le terrain et je ne me précipite pas, parce que les prix peuvent  basculer à tout moment  et cela  joue le plus souvent à mon avantage.

Il me vient en tête de dire souvent aux gens que je participe à la lutte contre la pollution de l’environnement. Si je prends l’exemple du centre-ville, mon travail a permis de libérer pas mal d’endroits. Malheureusement, il en reste d’autres encore. Si beaucoup faisaient comme moi, on pourrait libérer la ville de Labé de cette insalubrité.


J’étais chez Alimou Sow !

 

Crédit Photo : Almou Sow source album photo de facebook
Crédit Photo : Almou Sow source album photo de facebook

Le mois dernier j’ai effectué un sejour de quelques jours à Conakry. Après une journée de dur labeur avec mon cher ami Thierno Diallo – cireass -, blogueur à Mondoblog, j’ai décidé d’agrandir la série de rencontres, cette fois avec Alimou Sow également blogueur à Mondoblog et lauréat du prix de meilleur blogueur francophone en 2013 de la radio allemande Deutsche Welles.

Il s’est marié au cours de cette année, mais jusqu’ici je n’ai pas encore vu la charmante Ramatoulaye Kader, son épouse. Outre que cela, ça fait plus de 5 mois que je me suis pas vu avec lui.

Le jour de notre rencontre même, je devais retourner à Labé. Il était 11 heures. Pour respecter le rendez-vous, il me fallait bouger très tôt pour ne pas me faire avoir par
les embouteillages qui minent la capitale.

Je ne connaissais pas l’endroit où il habite. Tout ce que je savais, c’est qu’il habite à Sangoyah dans la commune de Matoto, dans la partie Sud de la banlieue de Conakry.

Dans le taxi, je lui donne  ma position et lui fait savoir que je suis presqu’arrivé. Le chauffeur était si rapide que je n’imaginais pas.

Au moment que mon frère Alimou me rappelait pour m’expliquer l’emplacement, j’étais déjà au carrefour de Sangoyah, en face de  »la pharmacie ».  Son explication était à moitié comprise.

Je longe une ruelle non bitumée jusqu’à ce que je retrouve la route asphaltée. Je m’arrête au niveau d’un carrefour et m’adresse à un passant pour  lui demander où se
trouve la supérette ? Il me répond qu’il est nouveau dans le quartier.  Il me faut à nouveau  rappeler Alimou…

Moi : «Allo ! C’est à gauche ou bien à droite ?»

Lui : «Non, tu continues à ta droite ! Je te rejoindrai d’un moment à l’autre, appelle le numéro de Madame que je t’ai donné».

Sur mon chemin j’aperçois un immeuble avec une supérette au rez-de-chaussée.

J’appelle Madame Sow au téléphone.

Moi : «Bonjour Madame ! Je suis venu pour rencontrer votre mari Alimou Sow, c’est lui qui m’a dit de vous appeler pour que je puisse l’attendre. Il  m’a dit qu’il est allé à Kipé.  Je suis en bas juste devant la superette».

Elle : «Attendez de moi, j’arrive »!

Après les sincères salutations qui resteront gravées dans ma mémoire, elle me demande de monter à l’étage. Dès mon entrée j’aperçois des journaux. L’un, Le Lynx, un hebdomadaire satirique guinéen et l’autre le magazine panafricain Jeune Afrique, dans lequel  une partie d’un  de ses billets est reprise.
Après une petite conversation avec Madame Sow, je continue à feuilleter le journal de Jeune Afrique avec lecture silencieuse. Au même moment, elle retourne dans la cuisine, d’où venait une douce odeur, pour contrôler la sauce sur le feu que j’aspire sans modération…

Elle sort, je continue ma lecture. La préparation termine avant que Monsieur Sow n’arrive. Elle me demande de prendre une part. Non, je préfère attendre le «boss». Entre temps, Alimou rentre. «Sally Bilaly, c’est comment»?, m’a lancé-t-il.

«Oui, ça va frère», ai-je répondu.

Après une petite causerie entre blogueurs, l’heure de la prière arrive.  La prière terminée, Madame Sow arrange très bien la table à manger. Au menu, du riz et de la viande.  La suite il fallait être dans le lot pour voir. L’homme mange avec concentration.

Dans mon esprit ça ne devait pas terminer.  Comme tous deux, je mangeais avec une cuillère. J’avais failli la remplacer avec ma main. Tellement que ça passait à la vitesse de la lumière.

En fin, Madame me sert une banane. C’est un agréable sejour pour moi.  À 14 heures, le rendez-vous termine. Mon frère m’accompagne un peu et sur notre  chemin on ne parle que du bloging.  Le soir j’emprunte un taxi pour retrouver la fraîcheur de Labé


Ébola fait son apparition à Labé avec deux cas confirmés !

 Plaque située à la rentrée de la  commune urbaine de Labé, Crédit Photo : Alpha Ousmane Bah
Plaque située à la rentrée de la commune urbaine de Labé, Crédit Photo : Alpha Ousmane Bah

Jusque-là, la région administrative de Labé, située à plus de 400 kilomètres de la capitale Conakry au Nord du pays du pays, était épargnée par le virus Ébola qui a déjà fait plus de 7000 morts en Afrique de l’Ouest depuis son apparition en décembre 2013 en Guinée forestière. Même si des cas suspects avaient été annoncés à plusieurs reprises, ils s’étaient avérés négatifs après vérification.

Le directeur de l’hôpital régional de la santé, Docteur Oudy Bah, annonce la mauvaise nouvelle samedi dernier. «Après le test, les deux cas suspects de Popodara se sont avérés positifs», a-t-il déclaré.

Pour moi, on luttait efficacement  contre l’épidémie à virus Ébola dans le pays. Je pensais que les dons arrivaient à leur destination pour empêcher la propagation de l’épidémie d’Ébola, ainsi mettre fin  à l’enregistrement des nouveaux foyers. Je pensais que nos autorités s’étaient décidées d’enrayer la maladie avant 2015.

Je pensais qu’on voulait être comme le Nigeria, le Sénégal et le Mali. Je pensais qu’une réelle volonté existait dans la lutte contre la fièvre à virus Ébola. Bref, je pensais que les zones qui n’étaient pas touchées jusqu’ici seront épargnées… Hélas ! Mon rêve est brisé par cette confirmation.

Chaque jour, j’entends sur les médias que les campagnes de sensibilisation se poursuivent à travers le pays, des personnes sont guéries, la courbe s’inverse… Mais la réalité est tout autre. Le résultat de ce qui se fait sur le terrain est loin d’être reluisant.

Dans la zone où les deux cas ont été diagnostiqués positifs – localité située au Nord de la commune urbaine de Labé -, c’est la psychose totale. La même ambiance règne au centre-ville.  Pire, un flou demeure autour la chaine de contamination.

Pour être clair, les autorités sanitaires ne savent toujours pas le nombre exact de personnes qui sont assistées à l’enterrement de l’enfant décédé d’Ébola, dont d’ailleurs la mère est aussi décédée à  Conakry après avoir contracté la maladie. Son père et sa grand-mère font partie des confirmés.

La question que l’on se pose est de savoir si la manière dont la lutte contre Ébola se fait actuellement en Guinée est efficace, d’autant plus que chaque semaine nous enregistrons de nouveaux foyers, et la liste des contaminés ainsi que des morts se rallonge.

 


Je suis Guinéen, je ne suis pas Ébola !

Sally Bilaly Sow Crédit : Youri Lenquette
Sally Bilaly Sow Crédit : Youri Lenquette

Depuis l’apparition du redoutable virus dans notre pays en début d’année, je n’ai presque pas écrit grand-chose le concernant. Hormis bien sûr, les différentes campagnes de sensibilisations que je participe activement sur les réseaux sociaux. À présent, je pense c’est un devoir  pour moi de le faire  parce que ; quoique de nombreux progrès aient été atteints, il y a une chose que le monde doit savoir : le Guinéen n’est pas Ébola.

Cette fois, je  ne suis pas en train de faire une quelconque sensibilisation interne, loin de jeter des diatribes ou des flèches à une personne, mais plutôt remettre les faits dans le contexte actuel. Je suis de ceux qui pensent que certains médias, notamment occidentaux, ont contribué à la dramatisation de la crise que nous vivons en ce moment. Je ne dis pas que ce sont eux qui ont propagé Ébola, mais ils sont responsables de l’ebolaphobie qui touche les populations de pays touchés.

À lire ou à entendre ces médias, on a l’impression que tous les Guinéens sont atteints de l’épidémie à virus Ébola. J’entends par ci et par là des «nouvelles» sur la maladie, et ce qu’on dit de mon pays n’est pas forcément vérifiable.  Ce que nous vivons est tout à fait le contraire, les Guinéens continuent à vivre en dépit de l’existence du virus Ébola.

Certes Ébola est une vérité en Guinée et la  maladie persiste dans certaines contrées du pays, à cause de la réticence des populations locales et la mauvaise volonté de nos gouvernants qui dès le début ont minimisé le risque que nous encourons, laissant ainsi la place aux spéculations. Mais il est dommageable de confondre les Guinéens au virus mortel qui est Ébola.

Des Guinéens ont la maladie dans des zones connues de tous. Oui, je le reconnais mais ce ne sont pas tous les Guinéens qui sont malades du virus rouge. Je suis navré d’entendre de décisions  de certains pays qui considèrent qu’en se rendant en Guinée ou en octroyant un visa à un citoyen de mon pays qu’on va automatiquement attraper la maladie. Demandez au président Français, M. François Hollande, si ce qui se dit dans la presse et la réalité sur le terrain sont les mêmes.

Pensez-vous que si tous les Guinéens avaient Ébola, je serais derrière le clavier de mon ordinateur pour écrire ce billet de blog à plus fort interagir avec mes amis étrangers sur les réseaux sociaux?

Je précise encore une nouvelle fois que le portrait de la Guinée dressé par les médias internationaux est faux.  Car comme dit François Hollande, la Guinée continue à vivre, à se battre et à se développer. Oui, nous vivons ! Je sais qu’il est du devoir de chaque président de la République de toute  nation de protéger sa population comme cela est garanti par beaucoup de textes de loi de part le monde.

Cependant, ce devoir de protection ne donne à personne le droit d’exagérer jusqu’à ce que des citoyens  étrangers résidant  dans leur  pays soient considérés tous comme des porteurs d’une maladie. Je commence  bien à comprendre ce que l’ONU (organisation des nations unies) disait : se prémunir d’Ébola sans  isoler les pays touchés. De la même manière,  j’ai aussi compris la solidarité africaine.

Je me rappelle de la prétendue solidarité africaine que mes instituteurs  à l’école primaire mes répétaient,  ils me disaient que  les pays africains sont solidaires, que n’eût été  la colonisation on ne parlerait jamais des frontières dans le continent noir.  Ah bon Dieu, pourtant ce sont des pays africains qui nous ont fermés leurs frontières en premier. Nous, Guinéens avons beaucoup appris à travers Ébola. D’ailleurs, je m’arrête là : parce que si je décide de parler tout ce que j’ai dans ma tête, je ferai beaucoup de procès.

L’histoire nous enseigne que la meilleure manière de répondre, c’est de pardonner. Mais sachez que l’histoire retiendra qu’un jour  vous nous avez fermés vos frontières pendant que nous avions besoin de votre soutien ne serait-ce que moral. Vous nous avez stigmatisés… Je demande d’isoler la maladie mais pas les Guinéens.

Aux gouvernants, vous êtes les premiers responsables de ce qui nous est arrivé, par votre incompétence, maladresse et absence de volonté de servir loyalement votre partie.  Mais tôt ou tard, les Guinéens comprendront qu’ils méritent mieux !


Chez moi, c’est seulement le drapeau qui monte et descend  

Fraîchement venu de Labé, ville située à plus de 400 kilomètres de Conakry. Dans ma tête, aucune idée claire sur la capitale guinéenne dans son ensemble. Très tôt le matin à ma descente de la voiture, j’ai été accueilli par une boue indescriptible, qui dictait sa loi sur une ruelle du marché de Madina.

une boue sur une bretelle de madina
Une boue sur une ruelle du marché de Madina /Bordeaux , le jeudi 6 nov. 2014 . Crédit photo : Sally Bilaly Sow

Après un temps de repos, je devais me rendre dans la banlieue de la capitale guinéenne à 8 heures pile.  Sur l’autoroute Fidel Castro, les voitures circulaient en sens inverse. Tout le monde se dirigeait vers Kaloum (le centre-ville). Je cherchais désespérément un taxi à emprunter… En vain ! Un magbana (minibus) se pointe devant moi. Je décide alors de monter avec tous les risques que vous connaissez.

Les « magbanas » sont connus pour ne jamais céder de passage. Pis encore, ce sont les ennemis jurés des taximen. De Matam à l’aéroport, j’ai pensé être sur la route de mon futur ex-quartier de Dianyabhé, à Labé. Quelques kilomètres plus loin me voici à Bambéto. Le calvaire commence par la formation d’un petit bouchon ; ma tête me ramène au centre-ville de Labé.

Un embouteillage sur l'axe Bambéto Cosa.  Crédit Photo : Sally Bilaly Sow
Un embouteillage sur l’axe Bambéto Cosa. Crédit Photo : Sally Bilaly Sow

Dans la capitale Conakry, la circulation se surnomme : BBP (bouchon, boucherie et patience).
Bouchon : parce que les embouteillages sont monstres, boucherie : parce que les accidents de circulation sont souvent mortels, et patience : parce qu’on ne doit jamais être en colère dans les embouteillages de Conakry.
À Cosa, un quartier de la commune de Ratoma comme Bambeto d’ailleurs, je pensais être dans une prière surérogatoire. Je me demandais comment les gens parvenaient à mener leurs activités dans la capitale.

Un embouteillage monstre , au rond point de Cosa. Crédit Photo : Sally Bilaly Sow
Un embouteillage monstre , au rond point de Cosa. Crédit Photo : Sally Bilaly Sow

Le chic-choc de certaines femmes ou filles aux abords des grandes routes en mode DVD (dos et ventre dehors) crée aussi des embouteillages. Les « bosses » qui roulent des bolides 4×4 s’arrêtent en pleine circulation pour appeler une jeune fille femme avec un sac remplie de… Je ne sais quoi, dont les conversations se déroulent souvent comme suit :
Lui : « Où vas-tu ? »
Elle : « Je vais à… » ?
Lui : « OK, je te dépose. »
Elle : « Avec plaisir ! »
Finalement chez moi, c’est seulement le drapeau qui monte et descend. Outre que cela, il n’y a point de changement contrairement à ce que prétend la propagande officielle.
En réalité, vous pouvez rester pendant des années à l’intérieur du pays – sans fouler le sol de Conakry – ou à l’étranger sans avoir envie de visiter la capitale. Puisqu’en dehors de constructions des nouveaux bâtiments par les braves citoyens Guinéens, rien ne va visiblement dans le pays ; à moins que je me trompe, cher(e)s ami (e)s.

 

 


Labé, le stade régional en souffrance

Officiellement, la République  de  Guinée abritera la CAN (coupe d’Afrique des nations) en 2023. Pour être au rendez-vous de cette compétition interafricaine, le pays doit se doter des infrastructures  adéquates, entre autres : des hôtels, des routes (…) Respectant les normes internationales , construire  quatre stades de football dans des régions différentes, et huit autres stades d’entrainement avant la fin de l’année 2022.  

Une vue du stade
Une vue de la loge officielle , Crédtit photo : Sally Bilaly Sow

Labé en est l’une de ces régions retenues. En attendant le début des travaux, faisons un tour dans ce centre sportif en souffrance.

Pisté, excusez du peu je voulais dire situé, dans le quartier de Dow Saaré en face du Palais de la Kolima, une vieille maison construite dans les années 60 par le gouverneur Émile Condé. Le stade régional d’Elhadj Saifoulaye Diallo de Labé inauguré en 1998 est actuellement dans un piteux état. Choquant pour ceux et celles qui le connaissaient dans le passé, alarmant parce qu’il mérite d’être rénové ou reconstruit sans ambiguïté.

Le portail d'entrée , crédit photo : Sally Bilaly Sow
Le portail d’entrée , crédit photo : Sally Bilaly Sow

Dans cet édifice règne une gigantesque insalubrité. À la rentrée de gauche à droite des tas d’immondices, vous accueillent. Sur les  gradins, vous trouverez des excréments laissés par des citoyens qui participent eux aussi à la destruction de ce bijou ; un fait qui confirme le manque d’entretien et de contrôle qui mine l’édifice.

Des joueurs sur la pelouse ,crédit photo : Sally Bilaly Sow
Des joueurs sur la pelouse ,crédit photo : Sally Bilaly Sow

La pelouse – autre fois gazonnée est devenue le théâtre des tourbillons a complètement disparue. Rasée par faute d’entretien, laissant la bienvenue à un nuage de poussière à chaque fois qu’un joueur pose son pied sur la terre poussiéreuse, que l’on continue à appeler pelouse.  À la tribune, on n’ose pas s’asseoir à défaut de sacrifier les vêtements qu’on porte. À la « loge officielle », aussi acabit avec son acariâtre, avec ses chaises chiffonnées et sa table en mur.
Vouloir organiser un match de football dans ce stade exige l’entretien des lieux 24 heures avant le jour, sinon les invités risquent de retourner chez eux déçus.

Les grillages qui servaient autrefois de barrière entre les sportifs et le public n’existent que de nom. Dans les vestiaires, une odeur nauséabonde, je dis bien nauséabonde, se dégage empêchant les joueurs de respirer de l’air propre. Les armoires sont devenues des nids de souris et chats. Où avons-nous laissez les moustiques qui représentent les climatiseurs  ?

Latrine
Les toilettes extérieures du stade ,crédit photo : Sally Bilaly Sow

Les toilettes, on n’en parle pas. Mais mon devoir de citoyen journaliste m’oblige. Là, la puanteur des lieux vous empêche d’y accéder quel que soit votre courage et l’urgence du besoin. Les murs en débris de déchets, des caoutchoucs éparpillés çà et là, et les carreaux à la couleur de l’urée.

La gestion financière du stade laisse à désirer. On voit souvent des matchs de football se jouer et des spectacles organisés dans l’enceinte, mais avec aucun n’impacte sur le terrain. Les fonds qui devaient servir le stade, servent les gestionnaires.

Depuis l’inauguration du stade, il n’a jamais été rénové. Pire, son existence semble être oubliée par les autorités du pays, même si récemment en prélude de l’attribution de la CAN de 2023 à la Guinée une mission d’inspection de la CAF était venue pour s’enquérir de l’état des lieux. Et après ?

Avec cette indifférence qui persiste dans la gestion de la chose publique, je me demande comment la Guinée pourrait respecter sa promesse pour la tenue de cette CAN en  2023, même si elle a du temps encore.  En attendant, je vous invite à y faire un tour.